dimanche 15 avril 2007

L'Affaire Techland

L'affaire soulevée par le site internet Ratatium fin mars et qui commence à se propager sur le net concerne Techland, une société polonaise qui s'est chargé du développement du jeu vidéo Call Of Juarez, un FPS ambiance western sorti à la fin de l'année 2006.

Le jeu vidéo Call of Juarez, comme nombres d'autres jeux PC et comme le cinéma et la musique avant lui, a été victime du piratage par le biais des réseaux P2P. Techland s'est alors offert les services de la société suisse Logistep afin de récupérer les adresses IP des supposés pirates. Techland s'est ensuite rapproché d'une avocate française, Maitre Elizabeth Martin, qui a obtenu du TGI de Paris une ordonnance, en janvier, obligeant les FAI à révéler les identités des supposés fraudeurs.

A ce stade, on peut estimer que la procédure est déjà hors-la-loi. En effet, la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés dispose dans son article 9 que

"Les traitements de données à caractère personnel relatives aux infractions, condamnations et mesures de sûreté ne peuvent être mis en oeuvre que par :
Les juridictions, les autorités publiques et les personnes morales gérant un service public, agissant dans le cadre de leurs attributions légales ;
Les auxiliaires de justice, pour les stricts besoins de l’exercice des missions qui leur sont confiées par la loi ;
[Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par décision du Conseil constitutionnel n° 2004-499 DC du 29 juillet 2004 ;]
Les personnes morales mentionnées aux articles L. 321-1 et L. 331-1 du code de la propriété intellectuelle, agissant au titre des droits dont elles assurent la gestion ou pour le compte des victimes d’atteintes aux droits prévus aux livres Ier, II et III du même code aux fins d’assurer la défense de ces droits."

Or il s'avère que la CNIL n'a donné aucune autorisation à la société suisse de relever les adresses IP des supposés contrefacteurs. Le jugement du TGI se basant sur les données collectés par la société suisse en dehors du cadre légal pour obliger les FAI à révéler les identités civiles des supposés contrefacteurs est sera certainement infirmé pour défaut de légalité.

Mais les dysfonctionnements ne s'arrêtent pas là. Une fois obtenue de la part du FAI, les adresses des internautes, l'avocate leur a adressé par lettre simple une mise en demeure les menaçant de poursuites judiciaires en cas de non paiement sous 14 jours de la somme de 400 euros au profit de Techland. Cette mise en demeure risque de rester lettre morte, en effet, une mise en demeure n'est valable que sous la forme de lettre recommandée avec accusé de réception (car comment prouver de la manière la plus simple que le destinataire a bien reçu la mise en demeure et comment faire courir un délai de réponse sans accusé de réception).

Des irrégularités de procédure mais également un manque de déontologie certain dénoncé par un confrère de l'avocate en cause sur le site Ratiatum. En bref, une procédure très western si l'en est.

Pourtant, il eut été bien plus simple à la société Techland de faire appel au SELL, autorisé par la CNIL par une décision de mars 2005 à surveiller les réseaux P2P et le cas échéant à effectuer des poursuites judiciaires basées sur les données collectées.